« Quel rôle assigner aux sexologues professionnels à l’avenir ? »

Se former à la sexologie, c’est finalement comme ouvrir une boîte de pandore…  Plus on lit, plus on apprend et plus finalement cette sensation quelque peu désagréable nous empare avec ce constat: on ne sait pas. La sexologie est en somme un apprentissage permanent qui vient remettre en cause notre être, mais pas seulement. La discipline provoque un chamboulement personnel, professionnel et bouscule notre vision du monde. Aujourd’hui il m’est désormais désagréable d’entendre des propos dépeignant une situation érotique en la décrivant comme “bizarre, étrange, anormale ”, rapidement me vient ce réflexe “De quoi parlons-nous?” mais je préfère me taire et écouter mes ami.e.s me raconter leurs heures de vol et garder pour moi mes analyses le temps de leur récit. 

Dans cette volonté d’être connectée au plus proche du monde, d’être une professionnelle avertie et aguerrie (et d’avancer sur mon mémoire accessoirement), j’ai développé cette boulimie sexologique en ayant pris l’habitude de lire deux livres minimum par mois, d’écouter des émissions de radio, des podcasts et bien évidemment de suivre des comptes sur les réseaux sociaux comme “jouissance club”, “t’as joui” et bien d’autres encore pour être plus aux faits. Depuis…  J’ai cette sensation que l’on parle de “sexualité” partout, que c’est un sujet entre toutes les lèvres (lesquelles, à voir), et pour être totalement honnête, je me suis questionnée sur  ma légitimité et ma valeur ajoutée :

Que vais-je apporter de plus ? Quelle est et quelle sera ma valeur ajoutée ?

Fort heureusement, j’ai su déceler derrière ces questionnements un syndrome de l’imposteur (jamais très loin celui-là) mais j’ai avant tout pu trouver une réponse.

Je suis convaincue que le savoir est le pouvoir, et des siècles d’oppression religieuse autour de “ça”  ont étouffé les murmures, les voix qui s’élevaient pour éduquer, transmettre et parler d’érotisme. Seuls quelques nantis ont pu nous transmettre leurs textes, mais il reste encore aujourd’hui hélas peu nombreux (comme Christine de Pisan avec le Château des Dames), celles qui ont essayé, hélas, furent brûlées pour sorcellerie ou enfermées pour hystéries… 

Vulgariser qui signifie le fait de diffuser dans le grand public des connaissances, des idées, est un excellent moyen d’ouvrir les esprits et d’éduquer. 

L’émergence de ces différents comptes sur les réseaux sociaux visant à rendre accessible la sexualité (l’érotisme), le plaisir, le clitoris, l’orgasme, etc.,  n’est, selon moi, qu’une première étape.

Notre valeur ajoutée en tant que futur sexologue est de venir répondre aux questionnements que les plaignants peuvent avoir. 

Pour m’exprimer sous la forme d’une allégorie, c’est comme si ces comptes mettaient la lumière sur la scène et que nous venions en saisir le micro pour prendre la parole. Ces comptes ne doivent pas et ne se substituent pas au rôle du sexologue, mais vont prémâcher un travail. Si par contre certains se mettent à émettre des avis, il y a le risque que le conseil soit inapproprié et prodigué rapidement avec une analyse peu approfondie du plaignant. J’espère sincèrement que ces cas sont et seront rares tant pour le plaignant que pour la profession.

Aussi, il ne faut pas oublier un deuxième paramètre, les réseaux sociaux sont majoritairement utilisés par les 18-25 ans, hors, c’est une population qui n’a pas encore de vécu nécessaire pour venir consulter et qui n’a pas encore été (totalement) confronté à des difficultés. Parler de clitoris à 18 ans c’est bien, mais qu’en est-il lorsqu’on en a 40 ? 

Aujourd’hui la sexologie est présente dans toutes les sphères, politique, culturelles, religieuses, sociales et la vulgariser, c’est la rendre accessible à toutes et à tous. Chaque acteur a son rôle à jouer, et c’est en ayant une action collective, groupée que nous pourrons redonner les lettres de noblesse à la profession. 

N’oublions jamais que l’Autre ne doit jamais être un ennemi, mais l’Ignorance oui.